ASB/Vétérans de Guenviller :
Vivre, envers et contre tout…
C’était prévu depuis quelques jours. Pour meubler ce week-end sans match pour les uns comme pour les autres, Vétérans de Guenviller et joueurs de l’A.S.B. avaient décidé, comme ils en ont pris l’habitude, de se rencontrer autour de leur passion commune.
Malgré la tragédie vécue par tout un pays depuis la veille au soir, le match a bien eu lieu. Parce qu’il fallait continuer de vivre, parce qu’il fallait se rassembler, tenter de mettre des mots au milieu de la torpeur, et naturellement marquer un soutien indéfectible pour toutes celles et ceux qui, à cet instant, souffrent.
D’habitude, les deux associations utilisatrices du stade de Guenviller, lorsqu’elles tâtent ensemble le cuir, sont toutes deux empreintes d’une joie simple, d’une légèreté que n’altère jamais l’évolution du score, dans un sens comme dans l’autre. On joue, on respire, on se marre.
Cet après-midi, le temps comme suspendu, le cœur n’y était pas vraiment. Alors, avant que le show goes on, on se réunit près des vestiaires, on se mélange, on se serre, avant de brandir des feuilles sur lesquelles sont inscrites « Je suis Paris ». A près de 400 kilomètres de la capitale, les joueurs participent, à leur humble niveau, avec leurs moyens, à cet impérieux besoin de soutien pour toute une communauté nationale, à nouveau meurtrie dans sa chair.
Quelques heures plus tôt, à deux-trois rues de là, il est 11h30. Comme tous les samedis matins, les parents des enfants de l’école maternelle et élémentaire se pressent devant les grilles, attendant que l’innocence regagne leurs bras. Une matinée durant, bien loin du chaos, leurs têtes blondes ont été baignées dans un havre de paix. Pour les plus petits, on a colorié, tandis que d’autres commençaient à toucher du doigt les réalités mathématiques et les beautés liées à l’apprentissage de la langue. Contraste immense, révoltant, entre ces bouts de choux et le tumulte qui est venu s’abattre sur un pays. Alors, groggy, on se demande ce qu’on va leur laisser, quand on ne sera plus là. Et forcément, sans même l’avouer, on flippe.
On flippe mais on continue à vivre. On prépare machinalement ses affaires, on prend sa voiture, on pose son sac et l’on attend que le rideau ne s’ouvre. Dans son vestiaire, le coach barbu fait comme si. Les places sont attribuées, les maillots distribués, les consignes données. On fait comme si. De l’autre côté du mur, quasiment tous sont des papas et le rituel de la préparation s’écoule, moins enjoué qu’à l’accoutumée. Certains parlent, ne comprennent pas, d’autres se taisent. De temps en temps, l’un des anciens tente d’adoucir le moment. Faire comme si. Toujours. Une photo plus tard, avant le coup de sifflet inaugural, une minute de silence. Pesante. Glaçante.
Le football reprend alors provisoirement ses droits et ce sont les Vétérans qui se montrent les plus dangereux. Sylvain rate son face-à-face avec Lucas avant que Josian ne croise trop sa frappe. Tipi, gardien de luxe des Vétérans, est réduit à la plus stricte vigilance…jusqu’à cette balle donnée par Maxime dans le dos de Cédric S. ; Nicolas R. coupe la trajectoire et trouve le chemin des filets (0-1). Le même ailier aura plus tard une situation quasi identique mais, cette fois, l’imposant portier lui opposera un gant ferme. Malgré l’ouverture du score, les Vétérans continuent de se montrer les plus dangereux : Christophe A. voit sa demi-volée passer de peu à côté de la lucarne de Lucas avant que ma tête ne flirte avec la barre.
La mi-temps passée au chaud, les Vétérans peinent en ce début de seconde période. Eux qui n’ont aucun remplaçant, commencent à baisser le pied, bien aidés il est vrai par les coups de rein d’un Mohamed ou de Maxime. Pourtant, ils vont revenir au score quand, lancé côté droit, Cédric S. trompe Lucas d’une frappe au rebond délicat (1-1). Comme sur leur ouverture du score, l’A.S.B. va reprendre l’avantage sur une balle donnée dans le dos, toujours côté droit. Si Nicolas R. bute sur Tipi, l’ailier bettingeois a le temps de se rattraper et de servir en retrait Danilo qui se paye le luxe de pousser la balle dans le but vide…en faisant (involontairement) passer le cuir entre les pieds de Cédric L. (1-2). Dix minutes plus tard, sur une transversale, toujours destinée au même endroit, Maxime profite du flottement entre Sébastien et Tipi pour alourdir un peu plus le score (1-3). Dans les derniers instants, les Vétérans se payent un baroud d’honneur et Josian, sur une combinaison avec Christophe, maintient le suspense (2-3), d’autant que le même Christophe voit, dans la foulée, sa frappe détournée par Lucas. Malgré leurs efforts, les Vétérans ne trouveront pas en eux les forces nécessaire afin que le score reflète un peu mieux le nombre d’occasion de part et d’autres. Qu’importe, en cet après-midi gris et froid, l’essentiel était ailleurs : se réchauffer un peu le cœur. Faire comme si.
By Maître Renard