Ici c’est ? Guenviller !

                 Voyons si l’esprit du 6 janvier 2015 n’est finalement rien de plus qu’un slogan ou si, au contraire, la liberté d’expression demeure pleinement. Le temps d’un match, celui opposant les vétérans de Guenviller à l’A.S. Betting, il a été démontré que la jeunesse, la vivacité, c’est bien, la sagesse, c’est encore mieux. Car oui, ce sont bien les vétérans du cru qui ont dominé les minots bettingeois (3-1).

Quand Mike fait vibrer sa glotte, c’est l’ensemble du vestiaire qui tremble. Avec ses cheveux à la Tina Turner, il harangue ses coéquipiers d’un jour.

– Pour qui vous vous battez ?

– Guenviller !

– Pour qui vous gagnez ?

– Guenviller

– Ici c’est ? (X 15)

– Guenviller ! (X 15)

Certaines mauvaises langues, avec panoplie ou non de policier qui aimerait jouer de sa grosse matraque, diront même qu’ils ne l’ont pas autant vu ou entendu donner autant de sa personne après une victoire sous ses autres couleurs…Quatre-vingt-dix minutes plus tôt, l’issue de cette rencontre amicale demeurait franchement incertaine. Côté A.S.B., reconnaissons que la formation était largement boulversée car le coach barbu comptait dans ses rangs de nombreux jeunes joueurs, pas tous encore aguerris aux joutes d’un match de District. Et donc encore moins à une rencontre avec des vétérans qui, depuis une semaine, avaient été chauffés à blanc par leur entraîneur serbo-seingbouso-guenvillerois aux méthodes que l’on dira…controversées (le fameux « psycho-training » poussé à son paroxysme). En 1997, alors qu’il officiait comme dirigeant des débutants de celle qui était encore la S.S.S. sans le H, on murmure qu’avant un plateau, il aurait lâché ces quelques mots peu très peu adaptés à l’état civil de ses joueurs, surtout pour un prétendu éducateur :

– Le football ? C’est la guerre !

Légende urbaine ou non (Wikipédia n’existait pas encore à cette époque), dès l’entame de la rencontre, les vétérans se procurent une double occasion : Josian percute plein axe avec un coup de rein qui en laisse
3 sur le bord de la route et frappe malheureusement sur Lucas, avant que Mike, dans le prolongement de l’action, en fasse de même. L’artisan pâtissier de mes deux aura l’occasion de se rattraper cinq minutes plus tard, mais il dévissera sa demi-volée en frappant…du genou. A quarante mètres de là, on entend quelqu’un vomir tripes et boyaux, juste le temps de constater que le chevelu trentenaire, profitant d’un bon travail de Josian côté gauche, voit enfin sa frappe croisée faire mouche (1-0). Les vétérans vont même doubler la mise quand André, récupérant la balle côté droit, lance Sylvain le long de la ligne de touche. Monsieur l’Oeuf passe la seconde et sert plein axe Cédric S. qui trompe Lucas au premier poteau (2-0).

Le stade de Guenviller chavire et la ola est lancée côté tribune Sud, tandis que l’on entend le coach des « visiteurs » répéter :

– J’ai pas de colonne ! J’ai pas de colonne ! Où est ma colonne ???

Indéniablement, les oranges bettingeoises sont sonnées et l’on voit, curieusement, certains joueurs avoir des mouvements d’humeur qui, avec le recul, sont savoureux. L’un d’entre eux, le chef de la bande dit des « mangeurs d’herbe », osera même s’écrouler comme une fiante après avoir pourtant fait le plus dur.
Bah, ça doit ça les junkys : il leur faut leur dose de terre entre les dents. Pourtant, ce même junky, quand il reste sur ses cannes, est capable belles choses comme sur cette frappe puissante à l’entrée de la surface qui contraint Cédric F., le portier des vétérans, à une somptueuse parade. La fin de la première période est rude pour les vétérans qui sentent la fatigue poindre. Ainsi, côté visiteurs, à cause d’une mèche rebelle, Mohamed touchera le poteau, Nico manquera sa reprise du plat du pied sur une transversale venant de la gauche, avant que Benjamin ne bute sur un Cédric F. à nouveau bien inspiré. Malgré tout, l’A.S.B. ne parvient pas à faire fructifier ce temps fort et, à la mi-temps, les vétérans de Guenviller ont fait le break.

Malgré les quelques minutes de pause et des changements côté blancs, le premier quart d’heure de jeu est délicat pour des vétérans qui font le dos rond. Pas le choix. Dix minutes s’écoulent quand Mohamed trouve Maxime, le rookie en provenance de Hombourg, plein axe : le minot ne se pose pas de question ;
sa frappe décroisée au premier poteau permet à ses coéquipiers d’espérer à nouveau (2-1). On craint le pire pour les vétérans mais, emmenés, disons même « portés », par un Pierre Champlon véritable Laurent Blanc version 98, ils relèvent la tête. Avec Jocelyn, son pilier, pardon, son stoppeur, ça échange beaucoup dans ses moments de tumulte :

– Ecoute Jocelyn, je le sais, tu le fais : on va le faire. C’est notre finale. On l’a attendue toute notre carrière. On n’en vivra pas deux comme ça alors on ne lâche rien !

Quand ces deux-là, par mégarde, oublie pourtant un défenseur dans leur dos, ils savent pouvoir compter sur un Cédric F. qui sort le grand jeu. Maxime, de près, pourra en témoigner. Dans une rencontre qui, à présent, oublie carrément le milieu, ça va d’un but à l’autre. A ce petit jeu, les vétérans se montrent surtout dangereux sur coups de pieds arrêtés et, à deux reprises, Pierre puis Christophe, ne seront pas loin d’aggraver un peu plus le score. En face, il manque un peu de zen attitude pour faire trembler les filets, comme sur cette action où Christopher trouver Jonathan dans la surface, mais le jeune bettingeois manque sa reprise de près. Il reste dix minutes au chronomètre de Jean-François Thebault, l’impartial arbitre de la rencontre, quand Cédric trouve Josian dans la surface. Un contrôle plus tard, il bute sur Lucas avant que Sylvain ne pousse la balle au fond dans un délire que seul un terrain grec ou turc peut connaître (3-1). Cette fois, ça y est. Comme disait jadis Thierry Roland, la cabane est tombée sur le chien. Le médor bettingeois en l’occurrence qui a la truffe en couscous. Dans les vestiaires comme lors de la 3^e mi-temps, les réflexions faussement détachées des vaincus seront balayées par les festivités des vainqueurs (concert de klaxons, réception avec les élus locaux, fête nationale déplacée désormais du 14 juillet au 14 juin…). Avec ou sans colonne, les « papys » en avaient encore sous le capot.

By Maître Renard