L’A.S.B.G. dans les Vosges :
Fat..igués mais heureux
Après Bussang, Senones, Le Thillot nous voilà ! Si, l’année passée, l’A.S.B.G. n’avait pas emprunté les routes souvent escarpées mais ô combien pittoresques des Vosges, elle avait décidé, il y a plusieurs mois de cela, de corriger le tir et d’offrir, notamment aux plus récents de la bande, une première expérience de vie de groupe sur la durée, avec tout ce que cela induit, comme vous le lirez plus tard, de surprises et de moments parfois épiques. A dire vrai, on sentait l’effervescence monter au fur et à mesure que la date fatidique du départ approchait. Des détails restaient encore à éclaircir, et parfois non des moindres, dont l’inventaire des chauffeurs et de ceux qui, concomitamment, poseraient leur fessier dans les véhicules dûment identifiés. Vendredi 12 août.
Si certains sont partis dès le début de l’après-midi, d’autres, comme votre humble compagnon de lecture, partaient aux alentours de 17h. Evidemment, en bon capitaine de parcours, il décidait de refuser de mettre sa vie entre les mains de ceux qui, 2h30 durant, partageront sa traversée, le saoulant, là, au sens figuré du terme. C’est ainsi qu’un berbère et un sardo-portugais étaient collés à l’arrière tandis que le doyen de l’équipée jouait les copilotes.
Sur fond d’une musique éclectique, les deux gusses de la banquette tenaient régulièrement informé le chauffeur de ce qui pouvait bien se passer dans d’autres véhicules, principalement celui conduit par un futur père de famille dont les acolytes semblaient sponsorisés par Pernod Ricard. Dans cette embarcation, à force d’empiler les verres à travers champs, des pauses pipi étaient rendues nécessaires, et l’on ne sera donc pas surpris de constater un sacré retard à l’arrivée, que certains justifieront par une mauvaise lecture du G.P.S., un malheureux détour de plusieurs dizaines de bornes, sans jamais corréler cette fâcheuse incartade à un quelconque lien de cause à effet avec ce que certains pouvaient s’enfiler copieusement dans l’habitacle.
Vers 22h, une djellaba et un livreur de Pizza Hut (pour lui, en pas chassés façon crabe) débarquaient, suivis peu de temps après par une dernière voiture dans laquelle un Pokemon rose s’était glissé. A part éventuellement une première partie de ping-pong et un apéritif au coin d’un feu en préparation, les retardataires n’avaient pas franchement raté grand-chose (à part la répartition stratégique des chambres), puisque le barbecue de bienvenue n’était servi que vers 22h30.
Ceux qui avaient eu la possibilité de vivre les deux précédentes éditions vosgiennes savaient. Quoi me direz-vous ? Clairement, ce à quoi ressemble une première soirée, une sorte de mine à ciel ouvert où l’on entend surtout les verres s’entrechoquer, les cartes sortir de leur étui, les voix se faire fortissimo, certains, K.O., commencer à râler car étant dans l’impossibilité de fermer un œil. De fait, le groupe se scinde : un à chaque étage. En bas, on joue aux cartes avec les J.O. de Rio en fond sonore, la gorge jamais bien sèche. Parfois, on entend une marseillaise résonner, célébrant notamment un judoka français taillé comme une armoire à glace.
En haut, on se croirait dans une annexe d’un magasin d’huiles essentielles à Marakech quand, au fond d’un couloir, quelques initiés tapent le carton en fumant la chicha et en buvant du thé à la menthe. Tard, un groupe de morts de soif décide de lever le camp direction le premier bar du coin. « Chez Fat » (on y reviendra plus tard). De là, ils ressortiront, au courant de la nuit…avec un string (masculin, précisions-le d’emblée).
Carrément. Du coup, le réveil est difficile, surtout pour certains. Pourtant, la veille, Coach Barbu, avant de donner le top aux premiers coups de fourchettes, n’avait pas omis d’insister sur l’importance d’être fins prêts pour 9h, car au repos des guerriers succèderait un premier footing hardcore dans les hauteurs. Et il n’avait pas menti…parce que de telles montées, tu les vois habituellement derrière ta TV, avec des chips, des sodas ou des bières, les palmes affalées sur un canapé, avec des types épais comme des tiges, 100% muscles, le postérieur en danseuse, tandis que des neuneus, amassés au bord de la route, leur balancent du Gatorade dans la face. Sauf que là, il n’y avait pas de vélos, pas de voiture balais, juste une vingtaine de types dont certains rendront les armes plus ou moins précocement, continuant la grimpette en marchant et ce, jusqu’à ce qu’un réfugié se plaigne d’un mollet (on le verra courir comme un lapin bombé quelques heures plus tard). Couché au bord de la route, on se dit que par temps de grisaille, on pourrait flipper. Alors, une âme charitable le prend sous son aile et le ramène sain (autant qu’il est possible) et sauf jusqu’au gîte, l’essentiel de la troupe continuant son travail de forçats. De retour au bercail, après une douche salvatrice, la tendance est au calme.
L’un, qui a terminé sa courte nuit à l’envers pensant qu’il avait encore, le fou, ses vingt ans (depuis longtemps dans le rétroviseur), se glisse sous sa couette. D’autres s’écroulent devant la TV tandis que les cuistots préparent un curry wurst, rappelant ainsi leur proximité géographique avec la patrie de Goethe. Les estomacs rassasiés, une sieste plus tard, et voilà qu’il faut à nouveau décoller, direction Bussang, un stade bien connu puisque c’est sur ce dernier que la première épopée vosgienne posa, le temps d’un entraînement et d’une rencontre amicale, ses valoches. Au menu, une passe à dix, un exercice sur petit but puis un « passe et suis » sur grand but, le tout sous une chaleur pesante. Question qualité, on dira que la séance s’achèvera mieux qu’elle ne commença.
On enregistrera aussi, sur son disque dur cérébral, un curieux échange sur le banc de touche entre jeunes hommes, plus célibataires mais pas encore la bague au doigt, comme si la touffeur ambiante impactait la production de leurs hormones. Bob l’Eponge, au bout du banc, a appuyé sur le bouton « ON » de son cortex préfrontal. Caméra jamais très loin, il pompe une foultitude de moments qu’il se fera un plaisir, soit de partager rapidement, soit de précieusement conserver dans l’hypothèse folle où, un jour, un plaisantin, ici ciblé, voudrait lui chercher des noises. Il serait alors bien temps de sortir les dossiers. De retour à la base, chacun vaque à ses occupations jusqu’au barbecue. On se raconte des conneries, on somnole, on joue au ping-pong et l’on pense à la façon de meubler la soirée qui pointera bientôt le bout de son nez.
Soirée qui, pour le narrateur, sera surtout marquée par la victoire des Grenats. Vosges, entends-tu la Moselle rugir de plaisir ? Une chose est sûre, elle a dû entendre des claquements de portes, des voix qui portent, des « discussions » (les guillemets n’auront jamais été aussi utiles, eux qui permettent de transformer des phrases sans queue ni tête, marquées par un taux d’alcoolémie exponentiel, en échanges hautement philosophiques) sur l’importance, dès les prochains J.O., d’intégrer la pratique du « Bière Pong » (avec ses variantes « Ricard Pong » et « Water Pong » pour les plus soft) au rang des disciplines officielles. Où l’on dira que le représentant français serait déjà tout désigné, lui qui passera des heures à choper le moindre bonhomme croisant son chemin pour lui demander, l’index droit en l’air et les lèvres pincées, mais surtout le regard vitreux, aussi expressif qu’une moule, s’il est bien « le king », « le maestro ». Car depuis quelques heures, l’une des tables du lieu de vie consacré avant tout à manger (rappelons-le) a été transformée en champ de bataille. A chaque extrémité, des verres agencés tels une pyramide décadente. Dedans, divers breuvages, et l’on remarque que ce jeu d’une évolution intellectuelle rare, fait que plus tu le pratiques, plus tu as de chances de perdre, et plus tu as de chances de perdre, plus tu as le coude qui se lève. C’est le chien soiffard qui se mord la queue.
Contrairement au premier soir, le public est moins nombreux. L’assistance est clairsemée car les têtes sont lourdes et l’envie de se coucher à un horaire plus convenable se fait sentir. Comme rien ne peut jamais être tout à fait calme, même couchés, on entendra des chambres se plaindre que, dans la leur, ça schlingue grave. Rapidement, la raison sera identifiée et ce ne sont pas les affaires des occupants qui en sont principalement responsables. Non, un ou des trublions, des amoureux de la blague Caramabar, des comiques de comptoir, ont décidé de placer des boules puantes sous certaines literies. Alors ça râle et, dès le lendemain matin, une enquête générale est ouverte sans que les langues ne se délient. On soupçonne le gang des Pikachu mais pas uniquement. Il y a aussi celui de l’homme qui, dans le milieu de ceux qui n’arrivent jamais à ouvrir totalement les yeux, se fait appeler « Pastis Joc’ ». La tension est palpable, d’autant qu’en plus, on constate qu’un futur marié en rut a carrément dormi dans le couloir. Pourquoi ? Un concerto de ronflements. Cette fois, le premier violon n’est même pas Laurent L., lui qui s’est mangé une quantité non négligeable de coups la nuit précédente par des colocataires épuisés. Non, cette fois, c’est Petit Ours Brun qui est désigné coupable principal. Il est même raconté que, face à ces troubles incessants, Boucle d’Or tenta une approche immédiatement réprimée par un mouvement de bras et une dénégation teintée de colère.
Drôle de réveil. Un réveil qui se fait à coup de sifflets. Tout sauf « OKLM », tout sauf « posey ». Non J.F.C., « on n’est pas bien là». Par contre, une bonne nouvelle commence à se faire entendre : il n’y aura plus de course en montagne mais un « simple » réveil musculaire, ou osseux, mais ça, ça vaut pour Bastien. Vers 10h, direction le parcours de santé situé à 500m de là. Comme il a été dit qu’ici, les seuls plats qui existent sont les œufs dans une poêle, il est appelé à ne pas pousser Mémé dans les orties et y aller à pieds. Au bout du chemin, un panorama remarquable, une vue imprenable sur la vallée. Un endroit idéal pour une séance de travail sous la houlette des frères Ultsch. A l’ombre et les corps imprégnés par la beauté du décor, les mouvements se font dans une bonne humeur jamais altérée. Après un dernier exercice basé sur la respiration et la décontraction, voilà qu’il est déjà temps de redescendre en passant par la forêt où l’on croisera même des cavaliers.
Repas. Repos. Départ. Vous connaissez la suite. Comme lors de chaque escapade, le staff de l’A.S.B.G. avait concocté une rencontre amicale. Après Bussang et Senones, c’était la formation de Ramonchamp qui était au programme, mais sur le terrain de la commune voisine du Ménil. Sauf qu’avant d’y parvenir, l’une des équipées connaît un épisode digne de Docteur House. A peine parti, Kabyle Fragil’ remarque, sur l’un de ses mollets, la présence d’une tique. Ni une ni deux, c’est la crise de panique. Le jeune africain du Nord frétille comme un gardon à l’arrière de la voiture nippone. Il se voit déjà être vidé de 10 litres de sang avant de devoir, au mieux, se faire amputer ledit membre. Alors, et tandis que l’impassible chauffeur continue d’avancer, un ambulancier et le doyen de la bande s’improvisent médecins. On met la jambe en surplomb du levier de vitesse et l’on essaie de pincer puis retourner cette foutue tique, le tout sous les contorsions incessantes du tas d’os. Finalement, juste avant d’arriver à bon port, l’opération est couronnée de succès et l’animal balancé par la fenêtre. Cet incident terminé, place enfin au football mais, à l’heure où ces quelques lignes sont écrites, leur auteur n’a pas franchement une envie débordante de vous fournir une masse de détails sur une rencontre qui se soldera, qui plus est, par une défaite.
On dira, à minima, que des quarts-temps de 30mn furent organisés et que les deux premiers furent sans grandes occasions, à l’exception notoire d’une tête de Christophe sur corner sortie d’une belle horizontale par le jeune portier vosgien. Les locaux prendront l’avantage dans le 3e quart temps quand Tipy fera un air ball à l’occasion d’une magistrale sortie au pied, laissant un rouge pousser la balle au fond des filets (1-0).
Les Oranges réagissent et, au sortir d’un centre côté gauche de Sandro, Momo, qui se préparait sans doute pour sa soirée qui allait s’annoncer chantante, décide tout bonnement de ne pas en profiter, non, franchement, woula j’en f’rai rien, vas-y là laisse-moi tranquille au lieu de parler bête. Et son plat du pied d’être parfaitement dégueulasse. En face, les Vosgiens continuent sur leur lancée. Avouons qu’ils se montrent les plus déterminés, les plus dangereux et, évidemment, les moins fatigués. A plusieurs reprises, ils manquent heureusement de lucidité devant les buts. Dans le dernier quart temps, l’A.S.B.G. tente le tout pour le tout. Côté droit, Sandro, fiché Q à l’A.S.B.G. (le narrateur l’aura plusieurs fois menacé de composer le 17), pique plein axe, profitant de l’écran de votre serviteur et, à l’entrée de la surface, balance une frappe croisée que le jeune portier, on ne sait comment, parvient à détourner du bout du gant. Dans le prolongement, la balle revient sur le narrateur qui balance une pépite…contrée par le gardien qui venait de bondir comme un tigre, un chat, une chouette, je ne sais plus, mais ça, c’est du jamais vu. Après ce geste empreint de folie, le gardien se roule de douleurs par terre et sera contraint de sortir du terrain. Du banc de touche, il verra ses collègues en planter un second dans les dernières minutes sur un centre côté droit repris d’une tête plongeante au deuxième poteau (2-0). Bon, assez parlé de foot parce que bon, hein, ça va cinq minutes, et l’on sait bien que ce n’est pas ce qui vous intéresse le plus, petits curieux. Non, ce qui est vraiment intéressant ce n’est pas le retour et le détour fait par Ramonchamp où nos adversaires, d’un fair-play remarquable, nous auront mis à disposition leurs installations pour nous doucher, boire un verre et prendre une photo souvenir tous ensemble.
Pas davantage que le repas du soir à l’occasion duquel Laurent Bourg, le coach de la B, en prend pas mal pour son grade. Il a beau tenter de rester concentré sur son assiette remplie à ras bord, plusieurs énergumènes font feu. On parle d’un manque de parole et autres joyeusetés grivoises. Non, le véritable feu d’artifice aura lieu vers 23h quand, alors attablés au bar « Chez FAT » qui accueillait une soirée karaoké, l’assistance insiste pour que Cédric S. entonne l’hymne officiel du Pastis.
De là, plusieurs billets sont remis à l’animateur et, sur chacun d’eux, figurent des noms pour un duo, un trio, parfois sur des airs improbables. C’est fait, l’A.S.B.G. monopolise les micros et ça devient n’importe quoi. Comment évoquer autrement que les joueurs soient parvenus à faire « chanter » le coach de la B sur du Tragedy (« Est-ce que tu t’en souviens eh oh ! Est-ce que tu veux que l’on sorte les vidéos eh oh ? ») ou Alliage ?
Avant cela, on avait eu droit à « Aïcha » par Momo Dynamite feat Kabyle Fragil’ feat Big Ass Jo & DJ Coach Barbu, ou encore un duo d’un rare romantisme sur « J’ai encore rêvé d’elle ». Entre deux titres, on constate que Cédric tient à la fois le rôle du consommateur et du serveur, mais aussi que Coach Barbu, d’une élégance à souligner, se fait ramener une bouteille en verre qui n’est pas de la Vittel. Peu de temps après, on le voit debout sur une chaise, dansant (seul) langoureusement sur un rythme latino, suivi à quelques mètres par un portos qui se déhanche, étrangement, bien davantage que sur un terrain. Chauds comme la braise, le paroxysme est atteint sur une reprise totalement dissonante d’I will survive et « les lacs du Connemara », à tel point qu’en voyant une vingtaine de malades beugler en sautant, on se demande si la petite scène en bois va résister. C’est clairement renversant et les bettingo-guenvillerois mettent une ambiance certainement rarement vue dans cette bourgade pittoresque et accueillante. Un signe ? Si l’on sentait l’animateur d’abord quelque peu dérangé par la succession de titres qu’on lui « proposait », voyant que les gentils barbares n’étaient pas prêts de rentrer au bercail, il acceptait finalement bien volontiers qu’ils se déchaînent face à l’écran magique. . On le verra même faire la roue au milieu de la route (là, tu sens bien que c’est tellement gros que ça ne peut qu’être véridique).
Vers la fin, on verra un habitué, fan de Johnny, interpréter deux titres de son idole : « Requiem pour un fou » et « Allumer le feu ». L’homme d’un certain âge, visiblement ému, donne ce qu’il a à donner, soutenu par une dizaine de dingues qui se croient au stade de France, dont le préparateur physique. Un préparateur physique qui aurait confié, peu de temps avant, à l’un des joueurs « ce soir, je me mets une tôle ». Le retour se fait en rangs séparés et, le lendemain, l’on apprend que le second et dernier groupe sera rentré avec un type en string portant des panneaux de chantiers, d’autres, des panneaux directionnels (Julien et Pierre aiment ça) ainsi que des chaises en plastique (Coach Barbu, un cadeau pour le Docteur La Peluche ?). Heureusement, tôt (notion toute relative) le lendemain, ils répareront fissa leur juvénile incartade du soir, non sans avoir, au préalable, participé à démêler concrètement les événements de la veille. Ils ne restent plus que quelques heures avant que cette plongée dans la vie d’un groupe ne s’achève. Alors, on se lâche, parfois à outrance. Lui aura un mélange de mayonnaise et de miel dans les cheveux en guise de réveil, lui sa chicha aspergée d’on ne sait quoi, tandis qu’on voit des sudistes la tronche constellée de mousse à raser (il va sans dire, sans aucune volonté d’aller dans la salle de bain ensuite), tels autres quelques effets personnels que l’on ne retrouve curieusement plus. Le coach de la B a, lui-aussi, droit à une douche improvisée mais il saura rendre la monnaie de sa pièce à l’outrecuidant. En fait, on règle ses comptes comme dans une cour d’école. Les rires ne sont heureusement jamais loin. Vers 13h, les premiers véhicules taillent la route, pas encore nostalgiques mais presque. Et maintenant ? Comment terminer cette plongée au cœur d’un groupe qui aura vécu trois jours ensemble ? Difficile. Alors restons simples et disons que cette fin en apothéose, cette soirée d’une fraternité incroyable, sera venue conclure un week-end évidemment mémorable.
De ces moments qui comptent. Des moments qui te permettent, ensuite, de mieux traverser les vents mauvais. Vosges ? A l’année prochaine…
By Maître Renard